lundi 5 mars 2018

Une Escapade au vignoble


      Les rencontres que l'on peut faire dans la vie sont souvent surprenantes! Peut être encore plus en voyageant car on augmente la diversité des gens que l'on rencontre. Et pour cette fois, je ne suis pas déçue. Contactée par un vignoble qui avait récupéré les coordonnés que j'avais laissé dans un restaurant de la région, je repars de nuit de la capitale (Wellington) pour aller travailler dans les vignes dans la région de Waipara, Canterbury. Je suis donc à l’intérieur des terres à un peu moins d'une heure au nord de Christchurch. 

Vue d'un vignoble de la région de Waipara

La région de Waipara, une terre fertile

        Waipara est décrite comme une vallée pittoresque. Ici l'accent est mis sur la bonne bouffe et sur le vin. La région est réputée pour ses bons pinots noirs et ses riesling. Waipara se situe dans le Triangle Alpes Pacifique (APT) comme Kaikoura. En arpentant les villages autour on va pouvoir rencontrer plein de surprise, vignobles, lavande, champs d'oliviers et train à vapeur! Il en faut pour tout les gouts.
        Après avoir voyagé pendant plusieurs semaines, arpenté les routes et rencontré des gens formidables avec qui je resterai en contact ou qui resteront des compagnons de voyage éphémères, j'ai décidé de poser mes valises. J'ai trouvé un emploi dans un vignoble, ils avaient besoin de bras et je voulais travailler, je me suis lancée. Le boulot est physique mais plutôt simple. Il s'agit d'aider les raisins au murissement et éviter leur pourrissement dans la dernière ligne droite avant les vendanges.
 
Petit Avant/Après pour illustrer notre travail

        Ici, on ne travaille pas en bio. Les vignes ont donc été traitées au souffre. Le souffre est utilisé pour éviter aux vignes d'être sujettes à la moisissure noire.  Guignardia bidwellii est un champignon ascomycète qui se développe sur les vignes après les pluies par forte chaleur. Contrairement à la moisissure noble, cette maladie cryptogamique va impacter la qualité du vin. En laissant macérer les grumes malades, le vin prendra un gout de terre humide ou de moisi. Il va donc décroitre les qualité gustatives du vin.
        Les grappes très denses ou les feuilles très présentes vont augmenter ce phénomène. Le but de mon travail est donc d'augmenter la circulation de l'air pour diminuer le risque d'apparition et donc favoriser de bonnes vendanges. Je coupe les branches transversales qui ne portent pas de raisins, et j'effeuille les branches qui portent des grappes. Moins de feuilles c'est plus de soleil reçu et plus de circulation d'air. Les rangs sont orientés nord-sud, les ceps reçoivent donc le soleil du matin et du soir. Le côté exposé à l'est devra donc être effeuillé car le soleil levant ne permettra pas de sécher la condensation matinale.


Photo de raisin malade présent sur le vignoble
  

Un domaine pas comme les autres

        Professionnellement ou personnellement, quand on rencontre des gens on ne peut jamais savoir à quoi s'attendre. Ici, la surprise sera de mise. Je ne risque pas de croiser deux personnes comme le patron que je me suis dégoté! C'est une de ces personnalités singulières que la vie nous offre parfois de croiser. Le propriétaire du vignoble n'est pas néo-zélandais, il est américain. Il n'est pas vigneron, il est exploitant. La différence? Il possède le terrain, entretient les vignes et il vend le raisin à des entreprises qui feront le vin. En l’occurrence, ce sont d'autres vignobles qui ajoutent le raisin à leur propre production pour augmenter leurs quotas. En quoi est-ce singulier? En rien, c'est plutôt la vie de mon hôte qui est hors du commun.
        Originaire des États-Unis, il part avec femme et enfants sur un bateau et vivra en mer pendant 2 ans. Parti en commençant son périple par une régate transatlantique avec sa fille la plus âgée (jeune adolescente à l'époque), il sera rejoint par sa femme et leurs deux jumelles en Angleterre. S'en suivra la vie en mer et le passage par 34 autres pays avant de se fixer en Nouvelle Zélande et de décider d'acheter un vignoble. Le but ? Vivre loin du consumérisme, faire son vin, son miel avoir ses propres poules et son petit jardin. Sur le papier ça fait rêver.... Bref, une vie sans transitions avec ce que lui et sa femme avaient due connaitre auparavant. Je continue de me demander ce qui peut pousser une ancienne top model et un ancien entrepreneur, habitant de Manhattan, à vivre cette nouvelle vie! Il a même écrit et fait publier un livre sur son ancienne vie où il achetait des immeubles et les revendaient après les avoir rénové.

Pas facile de s'improviser vigneron


        Comme pour tout changement radical, l'adaptation n'est pas extrêmement simple. Mais Bobby est un adepte du grand précepte américain, c'est un self made man! C'est un homme persuadé qu'il peut tout faire parce que dans la vie il a déjà connus des bas mais s'est toujours relevé.
        Apprendre de ses erreurs c'est bien, mais apprendre avant de faire des erreurs peut surement être utile. Avec ma collègue plus les jours passaient plus on se disait qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il nous demandait de faire. Il changeait les consignes au grès des visites de ses acheteurs et nous demandait un jour de faire différemment du précédent. Le premier jour après qu'il nous ait dit que nous n'enlevions pas assez de feuilles nous nous sommes relevées les manches pour faire un travail dont nous serions fières! Nous n'avancions pas très vite certes mais le boulot était parfait! Les esthéticiennes des vignes (comme nous nous étions surnommées) à leur paroxysme! Aucune feuilles ne nous a résisté. Je ne m'étais alors pas rendue compte que j'allais devoir passer derrière mon propre travail pour couper toutes les grappes que j'avais rendues moi même orphelines! Car après quelques jours d'arrachage massif, ordre nous a été donné de laisser au moins 7 feuilles par branche porteuse de grappe(s). Sans ces sept feuilles, le raisin ne peut pas obtenir un bon taux de sucre et le vin ne sera pas bon... Il est assez pénible de prendre l'ampleur d'un travail contreproductif fait avec plein de bonnes volonté! Nous avons finalement dû repasser dans chaque rang pour couper les grappes qui n'avaient pas au moins 7 feuilles sur leur branche... une vraie boucherie et surtout un vrai gaspillage pour Bobby!

Perte sur un pied due à l'insuffisance des feuilles pour murir
         Comme travailler pour travailler n'a jamais été quelque chose qui me réjouit et qu'ici j'ai l'impression de faire pour défaire, je me lasse. C'est bête mais j'aime comprendre ce que je fais. Ça devient difficile de faire une tâche que je pense plus néfaste qu'utile et par dessus tout de travailler pour quelqu'un qui a une étique douteuse. L'ex habitant de New York City nous invite à manger avant de nous demander de l'argent pour le repas, il attache ses chiens a des arbres 24h/24 pour éviter que les poules ne soient croquées (alors qu'elles sont dans un enclos qui pourrait juste être fermé), il se vante à table d'avoir engagé un homme qui a fait de la route pour venir tuer les lapins au fusils, et il est heureux de dire que ce n'est pas grave si ces chats tuent deux oiseaux par jour parce que "des oiseaux y'en a plein ici".
        Au revoir Bobby, tu m'as donné envie de reprendre la route!!!



PS : Personne ne s'appelait Bobby dans cette propriété, pas plus que sa femme ne s'appelait Thérèse, mais comme je ne souhaite exposer personne, je ne donnerai pas de noms! C'est comme ça!