mercredi 26 septembre 2018

Écologie ou Nature? Le paradoxe vert



        Quelle est la première image qui vous vient si je vous parle de la Nouvelle Zélande? Probablement les plaines immenses ou les paysages verdoyants si bien capturés par Peter Jackson dans ses adaptations des romans de Tolkien : Le seigneur des anneaux. Et vous n’avez pas tort ! La Nouvelle-Zélande, ce sont des paysages merveilleux au détour de chaque angle mort, à la sortie d’un virage, au débouché d’une montagne !

Milford Sound, l'un des paysages à couper le souffle que recèle le pays

        On a tous notre idée préconçue d'un pays avant d'y mettre les pieds, et, une fois sur place on ajuste sa vision. L'image que je me faisais de la Nouvelle-Zélande était celle d’un paradis vert ! Le fantasme du randonneur européen! De la nature sauvage, avec moins d’habitants (4,75 millions au recensement de 2018) que de vaches (6,47 millions en 2017) et beaucoup moins d’habitants que de moutons (27,6 millions en 2016). Bon évidemment c’est sans compter les touristes… mais ça c’est une autre histoire !
        Sauf que qui dit Nature, ne dit pas forcément bonne gestion écologique… et c’est l’objet d’un vaste débat parmi les français en Nouvelle Zélande ! En tant qu’écologue de formation, j’ai tendance à considérer l’écologie d’abord comme « la science qui étudie les organismes et le milieu où ils vivent » ce qui m’amène souvent à ne pas être entièrement d’accord avec ceux qui envisagent l’écologie dans son sens politique. C'est aussi la raison qui m'a poussée à rédiger cet article en premier lieu. Mais ce n'est pas un sujet qui se traite si facilement. Alors, loin de se vouloir exhaustif, cet article est plutôt un aperçu, une ouverture sur un débat en abordant des points positifs et des points négatifs

L'image d'un pays où règne le tourisme vert abimée par la course au productivisme

         Début 2018, frénésie sur les réseaux sociaux. Cash investigation a diffusé sur France 2 un reportage sur l'industrie laitière. Il évoque la nouvelle Zélande. Son de cloche connu pour les uns, réveil douloureux pour d'autres, la Nouvelle Zélande ne serait pas un pays qui respecte son environnement. Et bien ça, voyez-vous sur les groupes Facebook de "Français en Nouvelle Zélande", on semble en être bien conscient. "Nous, on le sait bien que la pays est loin d'être un pays "vert"" ou "Ici, la gestion écologique est un désastre" étaient parmi les commentaires les plus fréquents.

En dehors des exploitations intensives, le bétail pâture sur
des flancs de collines ou dans des zones de bocages, en pleine nature

        Alors, je me suis penchée sur la question pour essayer de comprendre ce qui ne plaisait pas aux expatriés.

La gestion des déchets  

        Dans ce cas précis, il faudrait même se demander si gestion il y a... La transition énergétique c'est pas ici, et c'est pas maintenant, ça, c'est sûr. 
        Contrairement à la France, où le recyclage tend à être rentré dans les mœurs (même s'il est rarement correctement fait) chez les kiwis ce n'est pas vraiment le cas. Mais, il ne faut pas juste les blâmer sans se demander pourquoi. Dans un pays où recycler coute plus cher que de se débarrasser de ses déchets aux ordures ménagères, le recyclage n'est pas une habitude. D'ailleurs, les déchets qui vont être recyclés (plastique et carton) sont vendus à l'étranger, principalement à la Chine, qui les retraitera. 
        Pas d'usines de recyclage et pas d'usines de retraitement des déchets, ici la norme c'est le "land filling". Le land filling kesako? Et bien ce n'est pas compliqué. Ce qui n'est pas recyclable fini à la décharge et servira à remplir des trous qui seront ensuite rebouchés... à l'ancienne, si vous me passez la familiarité!  

Ne vous fiez pas à l'aspect toujours propre des parcs en ville
Certains sont débarrassés régulièrement de leur déchets par des employés


        Du positif, on peut en trouver au sein d'initiatives. Par exemple, les supermarchés proposent des points de collecte de plastique souple (eg. sacs plastiques) pour un recyclage spécifique. Mais bien rares sont ceux que j'ai rencontrés qui savaient vraiment ce qui peut être recyclé. Donc, rares sont ceux qui ramènent leur plastiques souples au supermarché. Pour le commun des mortels, qui dit plastique dit recyclable donc on met tout dans la même poubelle... Sauf qu'ils ne sont pas recyclés via la filière traditionnelle donc ils finiront au land filling! 
        Alors quand on sait aussi qu'il faut payer pour disposer de ces ordures (même recyclables!) à la déchetterie, et bien il est beaucoup plus simple de tout bruler dans son jardin ou de jeter ses gobelets dans les bas-côtés....


La consommation de l'eau

        Retour sur cash investigation, on y apprenait que l'irrigation des pâtures pour les vaches laitières nécessitait l'utilisation de près d'un million de litres d'eau par an par pâture. Soit 2000L d'eau pour produire un litre de lait. Ceci traduit surtout une exception agricole. Les agriculteurs, horticulteurs et vignerons par exemple ont le droit de pomper directement dans les rivières. Évidemment, cela conduit à l'asséchement de certaines rivières et autres plans d'eau. C'est tout le dilemme du développement de l'élevage et donc de l'économie au détriment de la protection de l'environnement...
        Mais là encore, Français ou Néo-Zélandais, nous n'avons pas le même rapport à l'eau. Alors qu'en France la pluviométrie moyenne se situe autour de 800mm, elle est plus proche des 1400mm en NZ. Il faut cependant considérer des écarts très importants avec la région la plus sèche où il ne pleut que 360mm contre 6700mm dans la plus pluvieuse.
        Dans un pays où on exporte de l'eau en bouteille à l'étranger, la réduction de la consommation en eau semble loin d'être la priorité n°1. Or, depuis peu une nouvelle problématique a vue le jour dans certaines villes. A Wellington, on s’inquiète de la durabilité en eau potable. Il faut dire que l’agglomération de Wellington fourni chaque jour 150 million de litres d’eau potable, ce qui correspond à 4 baignoires d’eau potable utilisées par jour et par habitant! Ce qui parait insensé quand on sait que le principal réservoir « Te Marua » contient une réserve équivalente à 20 jours!

Un des lacs Stuart Macaskill où sont stockés 3000 millions de litres d'eau
        Petits exemples de cette consommation folle? Régulièrement, j'ai vu mes hôtes laver leur vaisselle à la main avant de la mettre au lave vaisselle. Et puis dans beaucoup de maison où je suis passée j'ai vu la machine à laver tourner tous les jours (même pour des couples sans enfants). 





        Tout ça, ça fait quand même pas mal de négatif, et encore je n'ai pas abordé tous les problèmes soulevés régulièrement : utilisation des pesticides (dont les fameux glyphosates...) à retour de bras, utilisations de produits chimiques à large échelle pour tuer les espèces introduites (diphacinone, brodifacom, potassium cyanide et le 1080, qui fait l'objet d'une récente polémique dont je traiterai dans un article spécial), très mauvaise isolation des maison et le bois comme principal mode de chauffage, j'en passe et des meilleurs...
        En fait, il faut juste accepter une chose. L’écologie au sens où elle est entendue par le « français moyen », si vous me passez l’expression, est aux antipodes de ce qui est inclut dans le terme écologie en NZ.
Alors que la France semble s’investir assez peu dans la conservation de la biodiversité c’est le plus grand axe de la politique écologique de la Nouvelle Zélande, voire le seul. Avec une faune et une flore endémique riche, la population est investie pour essayer de protéger les espèces menacées en traitant directement les menaces (donc principalement en se débarrassant des espèces introduites). Nous pensons: énergétique, réduction des déchets, réduction de la consommation en eau, ils pensent biodiversité et depuis peu problèmes liés aux plastiques!
       

Une gestion axée sur la préservation de la biodiversité

        Et le positif dans tout ça? Les français râleurs ont encore frappé... Je n'en ai pas trouvé beaucoup quand j'ai demandé l'avis de mes compatriotes! Mais il faut quand même relever les efforts fait par le pays dans ce domaine. En creusant un peu, on peu dégotter quelques bonnes initiatives.

Un pays sans nucléaire 

        En 1987, la NZ dit définitivement NON au nucléaire. Les armes nucléaires (souvent testées dans le pacifique par les occidentaux) jugées indéfendables sur un plan moral sont à la base de cette décision. Le pays est désarmé et n’acceptera plus les navires équipés de telles armes. Et, c’est un des points positifs soulevé par les expatriés. Ce qui est assez ironique quand on connait le histoire française en NZ et surtout l’épisode du Rainbow Warrior !
        Évidemment, cela veut aussi dire, pas de réacteurs pour produire de l’électricité dans le pays. Du point de vue des NZ, ce n’est pas si parfait. En parlant de ça avec des locaux certains ont évoqué l’hydro-électrique pas si vert selon eux ! En effet, un des effets pervers de l’hydroélectrique (pourtant propre) c’est d’empêcher la migrations des poissons qui ne peuvent plus remonter une partie des rivières. Autre effet pervers, le chauffage des maisons est essentiellement fait avec du bois de chauffage ce qui dégage beaucoup de C02…


Les récentes actions prises par le gouvernement

        Pour peser sur le nouveau gouvernent, élu il y a à peine plus d’un an, les associations écologistes comme Greenpeace (pour n’en citer qu’une) se sont levées et ont mobilisé les citoyens pour commencer à changer les choses dans le pays. On peut citer deux actions en faveur de l’environnement prises par le gouvernement de Jacinda Ardern (Première ministre) qui concernent le pétrole et le plastique. Il faut dire que la lutte contre le changement climatique était annoncé comme un cheval de bataille de cette femme politique.
        Le 12 avril, le gouvernement annonce que la prospection pétrolière au large des côté néo-zélandaise est désormais interdite. En clair, les contrat d’exploitation commencé suivent leur cours mais il n’en sera plus ouvert de nouveau pour les compagnies pétrolières.
        Le 10 aout, la NZ annonce que les sacs plastiques à usages uniques vont être interdits. « il était temps » nous écrirons nous tous d’une seule voix après toutes les images de la pollutions au plastiques vues pendants les récents mois.



La préservation de la biodiversité

        Et puis enfin il y a celui qui me tient le plus à cœur, celui qui semble être le seul aspect écologique vraiment considéré dans le pays (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) et celui que beaucoup d’expats considèrent un peu moins : la conservation des écosystèmes! La structure nationale qui gère l’écologie en Nouvelle Zélande, disons l’équivalent du ministère de la transition écologique en France, s’appelle le DOC : Département De Conservation, c’est dire si c’est important pour les locaux.
        Pays totalement inhabité jusqu'à l'arrivée des maoris au début du XIVe siècle et peu exploité avant l’installation des européens il y a 150 ans, les paysages changent sous la pression anthropique. Déforestation et sur-chasse vont mener à la disparition d'espèces animales, citons le Moa, l’aigle de Haast et le huia. Le moa disparait suite à la chasse intensive et la pression anthropique imposée par les premières population humaines. Les changements de son écosystème, l’exploitation forestière et la disparition du moa (sa proie principale) conduiront ensuite à la disparition de l'aigle de Haast.
        L'extinction du Huia est le résultat d'un cocktail de facteurs tous liés à la colonisation humaine. Ses effectifs commencent à décroitre car il est chassé par les maoris. Puis l’exploitation forestière intensive accentue le phénomène. Mais ce qui a causé la perte du Huia c’est la mode! En 1902, le futur roi d’Angleterre George V visite le pays et accroche une plume de Huia à son chapeau. Alors que les maoris avaient arrêté de le chasser en 1880, et que les britanniques tentaient d’interdire sa capture, la nouvelle tendance mena rapidement cet oiseau à sa perte. Le dernier phénomène vivant est observé en 1907.


Specimen de Huia empaillé, Mount Bruce National Parc



        Aujourd'hui une autre pression d'origine humaine met en danger des populations animales et végétales. Introduits volontairement ou non par l'homme, les opossums, rats, souris et hermines ne faisaient pas partis de la chaine alimentaire. Il appliquent une pression de prédation importante sur de nombreuses espèces menaçant la survie de certaines. Les plantes indigènes grignotées par les opossums et les rats n'arrivent pas à recoloniser les sous bois pour recréer les forêts vierges d'antan. Et puis, ils mangent les œufs et les oisillons d'espèces qui ne possédaient pas de prédateurs. Le kiwi, animal emblème du pays, est directement mis en danger par la présence de ces nuisibles. C'est donc la solution la plus simple et la plus radicale qui a été choisie : revenir à la Nouvelle Zélande avant l'introduction malheureuse de ces espèces. Donc on s’attelle à la destruction pure et simple de ces nuisibles (principalement par empoisonnement). Dans les zones où le contrôle des prédateurs est fonctionnel, cette solution, qui peut paraitre extrême, permet de voir des nichées survivre et même de voir revenir les population d'espèces autrefois disparues.
        La protection des espèces est une priorité. Elle peut passer par des re-végétalisation de zones achetées par le DOC ou par des trusts (associations plaisant en faveur de l'environnement). Elle se fera parfois au détriment de traditions locales. Ainsi, une partie de la population maori réclame que la chasse au kererū soit réautorisée comme "chasse traditionnelle". Le kererū faisait partie du régime alimentaire ancestral des maoris. Cette espèce de pigeon n'est pas menacée, mais rendre légale sa chasse pourrait mettre en danger l'espèce. En effet, les effectifs raugmentent avec le contrôle des populations de nuisibles, maintenir une faible pression de chasse est donc vitale à la protection de l'espèce.


Pigeon Néo Zélandais (Hemiphaga novaeseelandiae) également appelé kererū



        J'ai conscience que cet un article ne couvre que partiellement le sujet. Mais il faudrait bien plus d'un article pour évoquer toutes les problématiques liées à la gestion écologique de la Nouvelle Zélande et sur sa comparaison à la gestion française. Cependant cet article englobe, je l'espère, les principales thématiques et ouvre les pistes de réflexion.

        Une chose est sûre : que l'on soit en France ou en Nouvelle-Zélande, l'écologie est un enjeu majeur sur lequel le système tout entier doit se pencher. Du simple citoyen au politique en passant par le milieu agricole et la sphère industrielle, c'est un problème dont tout le monde doit prendre conscience afin de prendre ses responsabilités. Et si la meilleur gestion consistait à ne retenir que le positif appliqué des deux côtés et à l'appliquer partout? Chacun, à notre échelle, tentons d'avancer avec des petits pas ou des grands pas!





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